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mrap montpellier

Pour l'amitié entre les peuples. Lutte contre le racisme et toutes formes discriminations

"'L'appel à la révolte' de Christian Estrosi est un appel à la haine"

Publié le 9 Juillet 2013 par mrap montpellier

"'L'appel à la révolte' de Christian Estrosi est un appel à la haine"

Par Benjamin Abtan (Express Yourself), publié le 08/07/2013 à 16:25, mis à jour à 16:27

Christian Estrosi a livré dimanche son "mode d'emploi" pour "mater" les gens du voyage. Benjamin Abtan et Alain Daumas, présidents du mouvement antiraciste et de l'Union française des associations tsiganes, s'indignent contre son appel à la révolte.

"L'appel à la révolte" lancé par Christian Estrosi à l'intention des maires de France est un véritable appel à la haine contre une partie de la population française, les "gens du voyage". Ces violentes déclarations antirépublicaines sont d'autant plus graves qu'elles émanent d'un élu de la République, haut responsable d'un grand parti politique et ancien ministre.

Tout se passe comme si, alors que Nicolas Sarkozy annonce son retour en politique, Christian Estrosi cherchait à faire vivre l'esprit du funeste "discours de Grenoble" de l'ancien président de la République et sa coupable désignation des gens du voyage et des Roms étrangers à la vindicte populaire.

Cet appel à la violence et à la discrimination prend toute son ampleur dans les contextes local, national et européen.

Surenchère avec le Front national

A Nice, tout d'abord, Estrosi joue la surenchère nauséabonde avec le Front national, dont le président d'honneur Jean-Marie Le Pen a poursuivi, le 4 juillet dernier, la tradition de déclarations racistes de son parti en parlant de la présence "urticante" et "odorante" des Roms, entretenant par ailleurs la confusion entre "gens du voyage" et "Roms étrangers".

Le contexte local est également fortement marqué par la ratonnade dans les quartiers nord de Marseille de septembre 2012 contre des Roms étrangers, ratonnade qui avait alors été suscitée et soutenue par la sénatrice-maire PS du 15e arrondissement Samia Ghali.

Violence contre les gens du voyage?

Au niveau national, l'appel à la haine d'Estrosi fait suite à des appels à la haine similaires lancés par d'autres maires qui, comme lui, ne respectent pas la loi relative aux aires de passage pour les gens du voyage.

Ces maires, en infraction avec la légalité républicaine, appellent, sous couvert d'un discours pervers de respect de la légalité, à des actions populaires violentes contre les gens du voyage. C'est ainsi que, en mai dernier, le maire de Montevrain a publiquement appelé, notamment sur les réseaux sociaux, à la violence contre les gens du voyage présents sur sa commune.

Ceux-ci avaient alors été victimes d'agressions physiques, d'insultes racistes, de saluts nazis, et ces citoyens français s'étaient vus intimer l'ordre de " rentrer dans leur pays "...

>> Lire aussi: Roms: l'arsenal législatif est-il vraiment insuffisant comme l'affirme Estrosi?

Aggravation des discriminations en Europe

Au niveau européen enfin, cet appel à la discrimination s'inscrit dans un contexte d'aggravation des discriminations sur notre continent. La campagne européenne de Testing contre les discriminations raciales à l'emploi que le mouvement antiraciste européen (EGAM) vient d'achever montre un niveau persistant et très élevé de discrimination.

Ainsi, si les populations ciblées diffèrent selon les pays (noirs et arabes en France et en Italie, Roms en République Tchèque, Latino-américains et individus issus d'ex-Yougoslavie en Slovénie,etc.), le mécanisme de l'exclusion du champ social pour des raisons raciales est partagé sur tout le continent.

Les 109 tests pratiqués ont permis de montrer que, dans plus d'un tiers des cas (33,96%), les personnes arabes, Roms, noires, etc., n'ont pas eu la possibilité de louer ou de procéder à une visite de logement, contrairement à leurs homologues "blancs".

Dans tous les pays, comme la France, où le Testing a montré un taux de discrimination raciale de 45%, cette situation sur le terrain est la conséquence de déclarations politiques appelant à la haine raciale et de l'influence grandissante des partis et mouvements d'extrême droite sur les partis de gouvernement et sur le débat public.

Cet état de fait inquiétant résulte de l'action néfaste ou de l'inaction individuelles et collectives face à la crise et aux bouleversements de long terme auxquels l'Europe doit faire face. La discrimination n'est pas une fatalité, et une autre perspective d'avenir que celle dessinée par l'appel à la haine de Christian Estrosi est en cours de construction.

Une société civile mobilisée

Cette perspective est celle tracée par la société civile mobilisée sur tout le continent pour l'égalité de tous les individus, et qui fait vivre une solidarité sans frontières pour construire un continent libéré du racisme et de l'antisémitisme.

Ce sont des milliers de militants engagés en Grèce contre le néo-nazisme, pour la sauvegarde de la démocratie en Hongrie, contre le racisme anti-Roms partout et notamment en Europe centrale, contre le négationnisme du génocide arménien et pour le respect des droits et l'homme en Turquie avec le mouvement du parc Gezi, contre les discriminations raciales partout, pour l'accueil digne des immigrés et réfugiés...

Cette société civile trace les contours d'une société européenne au coeur de laquelle sont les valeurs fondamentales de l'UE et non plus les problématiques financières qui poussent à une austérité grosse de dangers pour la démocratie et pour les droits de l'homme.

Pour que cette perspective l'emporte sur celle d'une société déclinante, pétrie de violence et où la domination raciale fait office de normalité acceptée par le corps social, il faut l'engagement de chacun.

L'engagement de la société civile est fondamental pour mettre un coup d'arrêt à cette montée du racisme et des discriminations. C'est ce qui est en jeu avec la "Roma Pride -Marche pour la dignité du monde du voyage", lancée suite au discours de Grenoble et qui se tiendra cette année simultanément dans 15 pays, notamment en France. C'est aussi ce qui doit être le cas dans de nombreuses initiatives locales.

Respecter la loi sur les aires d'accueil, supprimer la loi de 1969

L'Etat français doit s'impliquer beaucoup plus résolument pour faire respecter l'esprit et la lettre de la République. Etre fidèle aux valeurs de la République, ce n'est pas appeler à la haine contre les gens du voyage.

C'est respecter la loi sur les aires d'accueil, ce qu'un nombre dérisoire de communes font. C'est supprimer intégralement la loi de 1969, discriminatoire à l'encontre des gens du voyage, qui les oblige notamment à porter des passeports intérieurs. Cette suppression est aujourd'hui à l'ordre du jour et il est impérieux qu'elle aille rapidement à son terme.

L'Union européenne quant à elle doit d'urgence rétablir les crédits alloués à la lutte contre le racisme sur le terrain, car leur suppression pour 2013 est le meilleur cadeau offert aux racistes de tous poils et aux partis politiques d'extrême droite, les néo-Nazis grecs d'Aube Dorée en tête, qui s'apprêtent à entrer au Parlement Européen en 2014.

C'est en répondant ainsi à l'appel à l'égalité de la société civile européenne que nous pourrons construire une société où des appels à la haine tels que ceux de Christian Estrosi soient marginaux, et où l'égalité entre les individus soit la règle enfin respectée.

Par Benjamin Abtan, président du Mouvement Antiraciste Européen-EGAM et Alain Daumas, président de l'Union Française des Associations Tsiganes-UFAT

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/appel-a-l-egalite-contre-l-appel-a-la-haine-d-estrosi_1264722.html#y9YvRBW0OABhoT6i.99

Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice, a appelé les élus à la révolte contre les gens du voyage. afp.com/Valery Hache

Christian Estrosi, député-maire UMP de Nice, a appelé les élus à la révolte contre les gens du voyage. afp.com/Valery Hache

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